« Fais entrer, Diego !«
D’un geste élégant, l’aimable serviteur ouvre la porte de mon bureau pour laisser entrer un homme aux traits tirés qui tire nerveusement sur les plis d’un costume gris qui a connu des jours meilleurs. Il fait quelque pas timides vers moi avant de se laisser tomber sur la chaise que je lui propose dans un soupir où se mêlent fatigue et désespoir. Je ne prononce mot et le contemple se tamponner le front de quelques coups de mouchoir, déposant sans le vouloir de la poussière de craie dans la sueur, et formant ainsi une pâte blanche dans les plis de son visage concerné.
« Monsieur Connard, bonjour je… je vous remercie de me recevoir.
– Je vous en prie Monsieur le recteur. Mon serviteur m’a dit que votre voix paniquée au téléphone lui avait confirmé l’urgence que vous attachiez à votre requête.«
L’homme se tourne nerveusement vers Diego, dans un coin de la pièce, qui prépare des rafraîchissements, avant que je ne rappelle l’attention de mon invité à moi d’un tapotement sur le coin de mon bureau.
« Ah ! s’exclame-t-il avant de se reprendre d’un toussotement. Pardonnez-moi, je suis un peu tendu ces derniers temps.
– C’est votre droit. Mais si vous me parliez du motif de votre visite ? Nous savons vous et moi que je n’enseigne plus depuis longtemps.
– Écoutez Odieux, je peux vous appeler Odieux ?
– Non.
– Bon, Monsieur Connard, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Nous sommes face à une situation de crise. Nous avons rassemblé les dossiers de nos meilleurs hommes, croisé toutes nos données, et votre profil est ressorti. À chaque fois.
– Je ne suis plus l’un de vos hommes, Monsieur le recteur. C’était dans une autre vie.«
Je me lève et lui tourne le dos, le regard plongé vers le soleil qui monte lentement entre les tours de la cathédrale locale, dont les ombres en dentelle noire s’étendent sur la ville.
« Vous savez que c’est une photo agrandie que vous regardez ?
– Hé ho, si vous croyez que c’est facile d’installer des fenêtres dans un bunker ! Et puis si c’est pour faire des commentaires putassiers, vous pouvez sortir : c’est mon boulot et je prête pas.
– Pardon ! se récrie l’homme. Ecoutez Monsieur Connard, venons-en au fait : l’heure est grave. De jeunes youtubeurs ont désormais plus d’influence sur les élèves français que n’importe quel enseignant. Et ils font passer des messages… hé bien… qui sèment le chaos dans les classes. Je crois que nous avons perdu le contrôle. C’est… c’est un cas de Broken Arrow.«
Il laisse flotter ces derniers mots dans la pièce, se demandant s’il vient de donner un excellent argument ou un anglicisme qui lui vaudra d’être rossé à coups de pelle dans les minutes qui suivent.
« Ce n’est pas mon problème, Monsieur le recteur, dis-je enfin tout en continuant à étudier la surcharge gothique flamboyante de la cathédrale en photo.
– Vous ne comprenez pas ? Nous envoyons au feu des générations d’enseignants à peine formés, qui se font laminer par des élèves qui se radicalisent sur Youtube ! C’est un massacre ! Un second Verdun ! Nous ne tenons que par le nombre et l’opiniâtreté de certains éléments, mais les poches de résistance cèdent l’une après l’autre ! Nous avons besoin de votre savoir-faire ! Comme la fois où vous avez réussi à faire passer la mort d’un élève pour un suicide, alors qu’on l’a retrouvé avec son classeur de géographie coincé dans la trachée !
– Je ne vois pas de quoi vous parlez. Il a même laissé une lettre expliquant sa mort.
– « Je suis trop con pour vivre et j’ai manqué de respect à mon professeur d’Histoire bien aimé » n’était pas crédible, et encore moins en étant bien orthographié !
– Vous ne pouvez rien prouver.
– C’est pour cela que l’on vous admire ! Et cette élève hyperactive devenue douce comme un agneau du jour au lendemain ?
– Saviez-vous qu’à partir d’un pacemaker et d’un téléphone bluetooth, on peut faire un excellent défibrillateur à distance ?
– La fois où vous avez réussi à abattre sept élèves sans que leurs propres parents ne le remarquent !
– Tant qu’on n’a pas retrouvé les corps, vous ne pouvez pas dire qu’ils sont morts. Et leurs parents sont très heureux avec ces chihuahuas : c’est un peu con, ça grogne et ça fait du bruit sans raison, ça n’a strictement aucun goût et ça a toujours une odeur suspecte ; je pense qu’ils ne remarqueront pas qu’il y a eu interversion avant leurs 18 ans, au moment de passer le permis. Et encore.
– Monsieur Connard, je sais que vous avez raccroché, mais vous devez revenir pour une dernière mission !«
Sa voix est suppliante, et enfin, il m’explique le fond du problème.
« Nous avons par exemple un jeune youtubeur qui vient de proposer 20 conneries à faire en cours ! Il a été vu plus d’un million de fois sur le web français ! Aidez-nous Monsieur Connard, vous êtes notre seul espoir !«
Il achève sa phrase dans un sanglot, et lorsque je me retourne, il me regarde de ses grands yeux humides. Voyant que ça ne prend pas, il tire lentement une photo de chaton malheureux de son veston dans le but de m’amadouer, avant de la ranger en voyant la haine dans mes yeux. Finalement, il sort son chéquier dans un soupir, et enfin, nous parlons.
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Car en effet, figurez-vous qu’il existe bel et bien sur Youtube une vidéo d’un collégien/lycéen avec près d’un demi-million d’abonnés expliquant « 20 conneries à faire en cours » et vue près d’un million de fois (ce qui rapporté au nombre de collégiens et lycéens en France, fait quand même une jolie part), avec du lol, du xptdr et autres lolilol qui feront la joie des huîtres du net. Quantité d’enseignants m’ont donc écrit pour me demander de sévir, afin de proposer de quoi contrer d’éventuels petits malins soucieux de suivre ces consignes, et de rappeler que si ces petits êtres ont l’avantage du nombre, le véritable enseignant a celui de la cruauté.
Je ne mets pas le lien de la vidéo (voulez-vous vraiment financer le Biactol de l’auteur ?), mais nul doute qu’avec le titre, mon lectorat saura la retrouver s’il veut vraiment souffrir.
Allons-y donc dans la bonne humeur.
Connerie numéro 1 : « Manger votre cahier«
Et l’auteur de dire que hihihi, c’est nul, mais fallait bien commencer par un truc.
Je vous avoue que ça doit être une forme d’humour qui me dépasse. Car si en toutes choses, il est légitime de commencer avec un truc pourri, je crois qu’il va y avoir de grosses déconvenues lorsque le filou découvrira le concept de « préliminaires« . Enfin bon, sur le reste, reconnaissons que c’est assez honnête ; quel agent de l’Éducation Nationale n’a jamais rêvé de faire manger son cahier à Cynthia de seconde B pour éviter de devoir entendre une fois de plus son rire ressemblant à celui d’une otarie qu’on électrocute ? L’idée n’est pas mauvaise. Sauf que ce n’est pas une « connerie » en soi, plutôt une potentielle voie de salut.
Passons donc cette introduction de qualité.
Connerie numéro 2 : « Acheter une carte d’anniversaire et coller le mécanisme musical dans son carnet de correspondance«
Ainsi, l’enseignant malheureux, lorsqu’il ouvrira ledit document pour sanctionner Jean-Kévin entendra soudain Joyeux Anniversaire et gêné, devra aussitôt refermer le cahier sous les rires de l’ensemble de sa classe.
Bien. Comment procéder ?
Attention, cette technique nécessite un peu de souplesse et un bon œil. Tout d’abord, restez stoïque : il ne faut pas donner l’avantage à la horde face à vous. Vous pouvez donc par exemple consulter le carnet d’une main tout en faisant crépiter un taser dans l’autre, histoire de rappeler qui est le patron. Rédigez ce que vous aviez à rédiger dans le carnet, comme par exemple « Madame, Monsieur, l’intellect de votre enfant me rappelle un peu Einstein, surtout sa période morte. » (logiquement, ils mettront un peu de temps à la comprendre), puis récupérez le mécanisme musical. Vous n’avez plus qu’à profiter de la faille des jeunes gens : ils portent des jeans au niveau des chevilles et n’ont donc peu ou prou aucune protection rectale. Grâce à votre entraînement de ninja, vous n’avez donc plus qu’à glisser dans cette forteresse aux portes ouvertes le fameux mécanisme, avant de contempler le résultat :
A – L’enfant va courir aux toilettes tenter d’expulser l’objet, qui se mettra donc à jouer Joyeux Anniversaire à chaque fois qu’il ouvrira ses chakras pour pousser (une métaphore de l’accouchement à discuter en cours pour les plus philosophes d’entre vous)
B – L’enfant ira chez le proctologue le plus proche, qui lui aussi s’émerveillera d’entendre ses doigts être accueillis par un vibrant orchestre lorsqu’il partiront en expédition spéléo.
Nul doute que les autres, terrifiés, ne vous feront plus une blague de l’année.
Si jamais vous pensez qu’ils risquent d’oublier la sanction, ayez votre propre mécanisme musical dans le grand livre où vous notez toutes les sanctions. Le mien jouait Deutschland über alles à chaque fois que je faisais mine de l’entrouvrir.
Connerie numéro 3 : « Poser une question ultra-personnelle au prof«
De préférence, bien évidemment, une question portant sur un sujet intime pour aussi bien faire rougir l’enseignant qu’éclater de rire tous ses petits camarades qui en sont au stade où toute évocation de zizi les plonge dans des abîmes d’hilarité. Une nouvelle fois, levez simplement un sourcil (ou éventuellement un fusil si vous enseignez au Texas), puis jouez le pédagogue niais qui va répondre parce que toutes les questions sont légitimes et que cela intéresse la classe. Allez vous placer à côté de l’élève et proposez-lui de sortir son smartphone pour faire une recherche sur un terme qu’il vient d’employer (comme « bukkake »). Puis empruntez-lui le téléphone au motif de lire la définition et d’en discuter ensemble.
En fait, fouillez l’historique internet du bambin tout en baratinant. Cela fait, rendez-lui, puis évoquez d’un ton badin le fait que vous venez d’inspecter ses favoris : alors, c’est quoi ce site grosratonslaveurscochons.com ?
Logiquement, non seulement le coupable devrait changer de couleur, mais conscient que vous avez encore bien des choses à balancer sur son historique web, il deviendra désormais votre esclave, prêt à tout pour que vous ne parliez pas de ses visites répétées sur micropenis.fr ou forum.scatophages.org. Pour le restant de l’année, il vous servira tout en pleurant et gémissant de douleur morale, mais il vous servira. Et fera un excellent exemple pour les autres.
Ho, et attendez-vous à voir sa moyenne monter en flèche : il ne voudrait surtout pas vous décevoir.

Alors qu’en plus, c’est plus rigolo de poser des questions fascinantes comme « Qui a tué Kennedy ? » « Pourriez-vous m’expliquer toute la crise économique actuelle ? » ou « Qu’est-ce qu’il y connait aux femmes, Rick Hunter ? »
Connerie numéro 4 : « Dès que le prof commence à parler, toute la classe applaudit«
Sortez votre intégrale de Zola.
Commencez à lire à voix haute.
Quand vous n’entendez plus que le bruit de moignons qui s’entrechoquent et des gémissements, c’est bon.
Connerie numéro 5 : « Répéter tout ce que le prof dit »
Là-dessus, vous jouez sur du velours.
Si les élèves étaient vraiment capables de répéter ce que vous dites, ils n’auraient pas ces notes.
Connerie numéro 6 : « Amener un oreiller en cours pour dormir »
Aucun problème, jeune élève aux paupières aussi lourdes que l’humour.
Faites cours, et à voix basse, pour aider le charmant bambin à s’endormir. C’est chose faite et notre gagnant est au pays des rêves ? Parfait. Proposez à votre classe de prendre une pause en sortant aussi doucement que possible pour ne pas réveiller leur camarade. Prétextez d’aller aux toilettes, puis sortez-en discrètement et revenez dans votre classe à l’abri des regards. Rentrez, enfilez les gants que vous utilisez pour gifler les élèves acnéiques sans vous salir, puis étouffez le petit rabouin dans son oreiller (il a apporté une arme du crime silencieuse, c’est sympa). Remettez ses membres flasques en position, retournez aux toilettes, puis assurez-vous que l’on vous voit sortir (par exemple, en chantant à tue-tête le prologue d’Euridice de votre plus belle voix d’artiste lyrique).
Puis reprenez la classe.
Logiquement, il n’y a qu’à la fin du cours que ses camarades devraient remarquer que leur bon ami farceur est tout bleu, voire tout mort. Un accident, bien évidemment, puisque vous étiez aux toilettes à l’heure du crime, même que vous avez dérangé le cours de Mlle Beugnon avec votre chant d’opéra. Tous ses élèves, et ceux des douze classes alentours témoigneront en votre faveur. Et ne vous inquiétez pas si on retrouve votre ADN un peu partout sur les lieux du crime ou des empreintes de pas suspectes : c’est votre classe, c’est normal, non ?
Connerie numéro 7 : « Quand quelqu’un dit « Autruche », toute la classe se cache sous la table »
Attendez le moment où ils vont s’apercevoir qu’ils sont en train de frotter leurs nouvelles coupes de cheveux à la mode à treize générations de chewing-gums et de crottes de nez.
Sinon, vous pouvez gueuler en retour « Petite Souris ! » (Souvenez-vous) pour que votre habituel Kagoul-Kommando défonce la porte, puis les élèves à coups de batte (et comme ce sont des battes polies, elles font des bisous sur les deux joues) avant de disparaître mystérieusement. Logiquement, les élèves devraient – pour une fois – avoir appris leur leçon, et désormais conditionnés, ils ne pourront plus jamais voir d’Autruche ou en entendre parler sans se mettre à hurler et/ou convulser en gémissant. Du Pavlov, mais en plus rigolo.
Connerie numéro 8 : « Quand vous êtes en retard, sortez des excuses pourrites (sic) »
Mais ? N’est-ce pas le cas depuis la nuit des temps ? Est-ce que Grülk, en retard à la caverne pour le cours de chasse au mammouth ne disait pas déjà au professeur Nïkrol « Nan mais en fait, c’est parce que j’étais à l’heure, mais en fait, y avait du feuillage devant le soleil, alors j’ai pas vu le temps passer, et puis en plus, la lance que je devais préparer, un tigre à dents de sabre l’a mangée. » ?
Alors que les bonnes vieilles excuses, du genre la SNCF fonctionnent à merveilleuse. Et puis il faut être compréhensif.
« Vous êtes en retard !
– J’ai raté mon train.
– Ce n’est pas grave, entrez quand même et posez vos affaires, Anne Franck. »
Ah !

Vous n’entendez que ma voix , vos paupières sont lourdes, vous n’avez pas lu la blague précédente, je vais compter jusqu’à trois et à votre réveil, vous ne vous en souviendrez plus. 1… 2…
Connerie numéro 9 : « Toute la classe bégaye »
Hochez la tête.
« Je vois. Puisque vous ne pouvez pas parler, on va être obligés de faire une interro écrite alors« .
Regardez bien, vous n’aurez jamais vu autant de guérisons miraculeuses en moins de quinze secondes.
Attendez-vous à avoir les pélerins de Lourdes à la porte dans la foulée, voire le pape. Préparez donc quelques bibelots à leur vendre, et apprêtez-vous à toucher une paire d’écrouelles.
Connerie numéro 10 : « Quand vous parlez au prof, faites une pause de 4 secondes entre chaque mot »
Variante peu inspirée de l’idée précédente, à défaut d’employer la même technique, on peut jouer à combler les trous.
Du genre quand l’élève dit « Je… ne… parlais… pas… » alors que vous venez de l’interpeller en plein ricanement avec son voisin, faites-vous plaisir.
« Je…
– … suis un étron qui parle.
– Ne…
– … me rappelez pas que je ressemble à l’union honteuse d’un rat-taupe et d’un Bogdanov.
– Parlais…
– …-moi de vous, professeur, vous êtes si brillant contrairement à moi, sombre amas de pus ambulant.
– Pas. »
Éventuellement, si vous n’êtes pas inspiré, racontez n’importe quoi et terminez par « Kamoulox« .
Connerie numéro 11 : « Essayez de manger votre oreille »
J’aimerais tellement avoir le sens de l’humour pour comprendre cette blague.
Connerie numéro 12 : « Mettez de la colle ou de la merde sur l’interrupteur de la classe »
Ainsi, « un prof ou un gland de la classe » (je cite) appuiera et sera bien embêté.
Bon, déjà, je m’étonne que d’après l’auteur, seuls des profs ou des glands utilisent les interrupteurs. Comment font les d’jeun’z trop kool’z for skool’z ? Ont-ils la vision nocturne ? Jettent-ils des éclairs pour allumer les ampoules à distance ? Seraient-ils donc des avatars de Raiden à la peau grasse ? Comme tout cela est mystérieux.
En tout cas, si jamais il y a une substance suspecte sur un quelconque interrupteur, approchez votre doigt. Le premier qui pouffe est l’auteur du crime. Il n’y a donc plus qu’à frotter son visage contre l’interrupteur, provoquant en plus au passage un fameux clignotement des néons qui donnera une ambiance disco et festive à votre salle de classe, donnant un côté agréable à ce petit moment rythmé par les hurlements hystériques du coupable dont la joue sert d’éponge à caca.
Un peu plus que d’habitude, du moins.
Connerie numéro 13 : « Mettez un chewing-gum dans la serrure de la classe pour la bloquer »
Sapotache !
Après avoir dû changer de salle suite à cet odieux acte terroriste (sauf si comme moi, vous ouvrez les portes à coups de pied), c’est le moment de vous souvenir de votre ami, l’élève dont vous aviez épié l’historique internet. Vous vous souvenez ? Bien ! Puisqu’il est devenu votre esclave, envoyez-le accomplir votre sombre besogne, à savoir vous donner des noms. Une fois le coupable identifié, c’est le moment tant attendu : la Revanche. Avec un R, comme Représailles.
Prenons Albérich-Pépin. Voici quelques jours qu’il a saboté une salle de classe, faisant de lui le boute-en-train populaire que l’on invite à toutes les boums, ou quelconque nom donné à des fêtes arrosées au champomy. Après avoir salué son fan-club d’un vigoureux coup de casquette à la fin d’une dure journée, il enfourche son scooter quand il découvre que la clé ne rentre pas dans le contact. Comment ? Que… D’une main tremblante, Albérich-Pépin passe le doigt sur la serrure, et y penche un œil empli de terreur : quelqu’un a mis du chewing-gum dans le bousin ! La même saveur que celui qu’il avait lui-même utilisé.
Quelqu’un sait. Mais qui ? Ça ne peut pas être un professeur ! Ils sont bien trop ringards et bêtes pour penser à cela ! C’est forcément un autre élève.
Depuis la fenêtre de votre classe, observez Albérich-Pépin inspecter nerveusement les alentours. Bientôt, il accusera un camarade, et toute l’union sacrée derrière le farceur qu’il est éclatera en camps, rancunes et paranoïa, que vous savourerez tout en mâchant ce Malabar fraise qu’il vous reste.
Connerie numéro 14 : « Venez avec des gants de cuisine et une pince à linge sur le nez »
C’est pas pour voter au second tour, d’habitude, ça ?

Alors qu’ici, nous voyons la tenue réglementaire pour enseigner à une classe qui sort de deux heures de sport.
Connerie numéro 15 : « Mettez du blanco au bout de la craie du prof »
C’est le moment d’être un peu créatif.
On a malmené votre craie ? Elle fait des bruits étranges et n’écrit plus quoi que ce soit ? Au bout, elle est un peu molle, signe qu’une couche pâteuse de blanco y a été déposée ? Rappelez-vous votre entraînement. Prenez une grande inspiration, repérez celui qui rigole le plus fort ou que tout le monde regarde quand vous vous retournez à la recherche de l’auteur de ce méfait, puis lancez la craie très fort droit vers son front, côté blanco en avant.
Si vous avez tiré comme un sniper, elle devrait s’y coller :
Bravo, vous venez de « faire licorne » comme on dit chez la confrérie des tireurs d’élite de craies.
Vous gagnerez non seulement le respect éternel de tous vos élèves, mais vous aurez en plus le loisir d’admirer une créature aussi rare que majestueuse dans votre salle de classe (bien que dans les légendes, les licornes vous traitent relativement peu de « gros bâtard« , mais qu’est-ce qu’elles y connaissent aux union légitimes, les licornes ?). Un peu de magie, ça détend tout le monde.
Connerie numéro 16 : « Faites des prouts avec votre bras »
Un million de vues.
UN MILLION DE VUES.
Tout cela est fort mystérieux.
Connerie numéro 17 : « Confirmez tout ce que dit le prof en disant « Ah oui oui ! » »
Prenez votre téléphone, enregistrez discrètement et laissez-vous aller à un discours trop obscur pour ces mécréants.
« Certains ici connaissent sûrement As Sukhnah.
– Ah oui !
– Et souhaitent probablement y prendre contact avec des locaux.
– Ah oui oui !
– Avec bien évidemment, en vue un renversement de l’Ouest dont les principes moraux sont vigoureusement contestés par les personnes précédemment citées.
– Oui, oui !
– Et j’imagine en sus, pour procéder à des actions du type de celle du 3 décembre 1996.
– Oui ! Ah oui, tout à fait ! »
Logiquement, si le GIGN, le RAID, le GIPN et BFM TV n’ont pas encore explosé les fenêtres pour descendre en rappel dans votre salle de classe, l’enregistrement de votre téléphone devrait vous permettre d’envoyer le farceur se faire tabasser à coups de bottin pour un moment pour apologie du terrorisme et volonté de s’y associer.
Connerie numéro 18 : « Faire un clin d’œil dès que le ou la prof vous regarde »
Re-tabassage à coups de bottin pour harcèlement sexuel.
Connerie numéro 19 : « Appelez le prof, et quand il vous répond, dites « Non, rien » »
Notez que du point de vue du fond, ça ne vous changera pas de d’habitude.
Du coup, rappelez au gourgandin qu’il doit lever le doigt pour s’exprimer. Ce qu’il s’empressera de faire. Et comme vous ne lui répondrez pas, bravo : vous avez désormais un superbe porte-manteau. Mettez-y vos affaires en cuir : la peau de jeune graisse naturellement tout ce qu’elle touche, c’est excellent pour l’entretien.
Connerie numéro 20 : « Regardez tous au même endroit fixement pour que le prof cherche »
Là encore, ce plan a une sacrée faille :
Si les élèves pouvaient garder fixement leur attention sur la même chose, ça fait longtemps qu’on aurait réussi à leur apprendre un truc.
Désolé, ce ne sera pas pour cette fois.

La capacité d’attention de l’élève est proverbialement basse. Ici, un classique : « Alors tu vois, tu as oublié ta problématique dans l’introduction. – Ah oui mais M’sieur c’est vrai que vous sortez avec la prof d’Espagnol ? – Ecoute, Gilberte, concentrons-nous sur ta problématique et… – Holala, z’avez vu ? Y pleut. – Gilberte, s’il-te-plaît, ton intro est… – M’sieur vous venez avec nous à la sortie au musée ? » Les enseignants sauront.
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« Voilà Monsieur le recteur. Désormais, si un quelconque enseignant a un souci avec des suiveurs de ce genre de conseils, ils sont armés.«
Le recteur mordit dans sa lèvre pour tenter de retenir sa colère, mais malgré tous ses efforts, explosa.
« Ça suffit ! C’est une mascarade ! On m’avait dit que vous étiez le meilleur, qu’est-ce que c’est que ces conseils ? Personne n’oserait les appliquer.
– Pourtant, je l’ai fait. Et me voici.
– Non ! hurla-t-il de plus belle. Ça ne prend pas, vous mentez !«
« Ah oui ? » dis-je calmement en faisant un signe à Diego « Fais donc venir Amandine.«
Quelques instants plus tard, une jeune femme, l’air contrariée, entra dans la pièce en roulant des yeux.
« Que puis-je pour Monseigneur? déclama-t-elle d’un ton contraint.
– Monsieur le recteur, voici Amandine. Amandine, Monsieur le recteur. Amandine était l’une de mes élèves par le passé. Elle a voulu être la plus fourbe, elle a perdu. À présent elle me sert.«
Le recteur, dont le visage jusqu’alors cramoisi s’éclaircissait doucement, poussa un petit grognement.
« Hé bien, ça ne prouve rien ! Qui me dit que ce n’est pas l’une de vos stagiaires ? Qu’elle n’est pas ici de son propre gré ?
– Une notion intéressante et discutable dans le cas de mes stagiaires, mais là n’est pas le sujet. Monsieur le recteur. je vous l’affirme, Amandine fut l’une de mes élèves. Pour son malheur.
– Je n’en crois pas un mot !
– Alors laissez-moi le prouver.«
Je lui souris doucement et me tournais vers Amandine. D’un geste, je fis tomber un stylo du bureau, et ordonnais : « Pouvez-vous ramasser ceci, Amandine ?«
La jeune femme fit quelques pas nerveux, jeta un regard méchant tant au recteur qu’à moi-même, puis enfin, s’accroupit pour récupérer le stylo.
Un frisson glacé parcourut le recteur lorsque les premières notes de Joyeux Anniversaire montèrent dans la pièce.
